Une salle de concert est-elle un programme futile en temps de crise économique ?

Alors que la culture a pratiquement disparu du discours politique, les événements culturels ont un énorme succès : les expositions et les théâtres font le plein, les festivals de musique, du classique à la pop en passant par l’électro, attirent les foules – comme si l’art et la musique étaient une échappatoire aux inquiétudes du quotidien.

Les salles de musiques actuelles sont un beau sujet pour l’architecture, un type de programme nouveau, donc encore peu codifié. Elles sont une étroite fenêtre de liberté dans ce monde normatif, l’invention est possible. Nous développons plusieurs salles en ce moment, toutes différentes car imaginées pour des usages spécifiques : salle pop-rock à Evreux, où le volume métallique, opaque et sculptural, est traversé par un espace publique, ou le Métaphone, salle de concert et bâtiment / instrument de musique urbain d’un nouveau genre, conçu dans le cadre de la reconversion du site minier 9/9bis à Oignies.

La salle de musique électronique de Grenoble est pensée spécifiquement pour les soirées électro. L’architecture est un corps étrange à 5 branches, qui évoque à la fois l’absorption et la diffusion du son. Il forme un organisme dont le coeur est la salle de concert, son tracé asymétrique permet différentes configurations de spectacles et l’installation de DJ/VJ en plusieurs lieux du volume. Les espaces annexes permettent à chaque spectateur de bouger au cours du concert : aller au bar, se reposer dans l’ambiance sonore plus douce du chill, fumer une cigarette sur l’un des balcons.

Les porches d’entrée forment deux cadres de scène urbains surélevés. En arrivant, les spectateurs sont mis en scène dans ces cadres et deviennent acteurs du spectacle urbain, opérant un brouillage du schéma classique de la relation acteur / spectateur.

 

 

HOMÉOSTASIE 2

L’homéostasie se définit par «la capacité de l’organisme de maintenir un état de stabilité relative des différentes composantes de son milieu interne et ce, malgré les variations constantes de l’environnement externe. »

L’équilibre dynamique réalisé par les plis compressés ou distendus change en permanence la perception de l’objet réalisé.

Les positions obliques des surfaces pliées créent de la distorsion et de la déstabilisation.

L’ensemble trouve sa stabilité en lui même. Il paraît balancer et bouger.

Le mouvement dans l’espace comme le désir d’échapper à la gravité est l’une des caractéristiques des recherches que je poursuis dans mon architecture. L’homéostasie 2 en est une illustration manifeste.

Odile Decq

La nécessité de construire des dizaines de milliers de logements par an dans le Grand Paris impose une réflexion radicale sur les typologies d’habitat permettant d’associer densité, mixité et nouveaux modes de vies, ainsi qu’une approche nouvelle sur les types de territoires susceptibles de libérer beaucoup de foncier disponible. La tour d’habitation de moins de 50 mètres (non IGH), alliant économie d’emprise au sol et densité verticale, propose une alternative intéressante pour s’adapter à de nouveaux territoires urbains de la métropole. Cette sur-densité verticale et intelligente permettra progressivement la création de plusieurs centaines de logements sociaux et étudiants par site concerné, et la modernisation radicale de ces derniers.
Quelle est la nature véritable de la relation de la grande hauteur avec l’état des choses auquel elle se trouve confrontée ?
Un immeuble d’une hauteur de 50 mètres est-il forcément et dans tous les cas un monstre urbain, et comment peut – on s’y prendre pour considérer dorénavant les tours d’habitation de 50 mètres (et un peu plus si la réglementation le permet) comme une production architecturale ordinaire ?
La tour Plateforme est conçue comme le groupement de quatre gigantesques gaines verticales intégrant structure, fluides et espaces de vie, traversant de larges plateaux double hauteur. Ces plateaux extérieurs, ou plateformes, constituent des espaces intermédiaires entre l’habitat et la ville, véritable places urbaines en hauteur, belvédères partagés sur le paysage environnant. Les logements verticaux produisent des espaces intérieurs inédits et des relations nouvelles avec le voisinage et la ville. La mixité / solidarité inter-générationnelle est ici traitée à travers la déclinaison typologique de l’habitat : logements étudiants, logements familiaux et logements séniors. La densité bâtie est comparable à celle de pavillons implantés sur leur terrain, agglomérés et empilés verticalement afin d’en réduire l’emprise au sol et de proposer un véritable village vertical.

DES TEMPS, DES PROJETS

Voici une maquette, ou une sculpture, ou des souvenirs, ou une compilation, ou un projet à venir, ou tout cela à la fois. Elle évoque des images de projets construits au sein de l’agence. Julie dessine, elle est très concentrée, mais n’arrive pas à trouver un sosie « convenable » à Hervé, soit dit en passant la compet’ des sosies fait rage au bureau. Hervé téléphone, il arpente l’agence à grands pas nerveux, attrape un stylo feutre au vol et griffonne des notes hâtives sur un cahier. La musique résonne à fond, un vieil air indies des années 90. Il a du mal à se faire entendre, la musique est vraiment trop forte, mais il adore ce tube. La conversation semble longue et houleuse, quelques mots d’excuses, des explications en français, des terminologies de droit. Lia avance précautionneusement sur ses études de logements et doit gérer calmement les facéties d’un nouvel interlocuteur nommé à la sauvette. Elle adore la cannelle. Jean mesure des surfaces de matériaux afin de gérer au mieux un chantier où les entreprises sont prêtes à faire payer fort les moindres écarts de surfaces entre les phases études et le chantier. Il note des scores de rugby. Camille vient d’envoyer un mail, il réside désormais à Rome pour une année délicieuse. Les femmes portent des lunettes de soleil à tout bout de champs et les cafés sont « ottimale »1. Solen noue son écharpe autour d’elle et pose son petit garçon Lucien contre son coeur, elle part boire un café avec ses amies et passera saluer l’agence en fin de journée. Pierre et Martin découpent habilement des lés de carton et parlent de leur école d’archi respective. Clément arrive, il dépose son casque de scooter sur l’étagère, et met au courrier une pile de plis urgents. Anne-Flore peste sur les aléas et délais d’instructions des déclarations de travaux. Elle a trouvé sur son chemin des camélias rouge écarlate, abandonnés, qu’elle a déposés dans un verre d’eau sur son bureau.

1: mot italien signifiant «excellent» dans une dimension gustative.

ECOSySTÈMES SUSPENDUS : SÃO PAULO 22/03

Le président Getúlio Vargas décide dans les années 50 de parier sur le développement du transport automobile, plutôt que sur le rail ou les transports en commun. Les retombées économiques sont immédiates, le succès foudroyant, São Paulo s’industrialise à vue d’oeil et les véhicules se multiplient rapidement.
Cette impulsion initiale ne sera jamais contredite. La création effrénée de surfaces de parking sous les immeubles est orchestrée par les promoteurs sans véritable contrôle des pouvoirs publics. Elles totalisent 30% de l’ensemble des surfaces construites de la métropole dans les années 2000. Les records de vente de voiture continuent d’être battus tous les trimestres.
Le « BIG CRUNCH » devient dès lors inévitable. Le flux automobile atteindra un niveau de saturation qui provoquera sa paralysie, les conducteurs devront abandonner leur véhicules sur place, une page se tournera.
Un concept de logement dit Epiphytes (1) voit le jour. Il fonctionne comme un écosystème suspendu dont les habitants ne sont plus tenus de descendre au sol, ni de dépendre de parcours horizontaux. Le lieu du travail rejoint celui du loisir et un rapport « choisi » est organisé avec le monde extérieur. Afin de préserver les stimuli liés à la possession d’automobiles ainsi qu’au ravissement de leur mouvement, une grande installation, fonctionnant comme une noria / matrice énergétique, occupe le coeur du volume et alimente le système. Le modèle connais un rapide succès, dopé par les qualités incontestables de l’édifice en matière de sécurité.

1 : Les épiphytes sont des plantes qui poussent en se servant d’autres plantes comme support. Il ne s’agit pas de plantes parasites car elles ne pré-lèvent pas de nourriture de leur hôte. Les épiphytes sont des organismes autotrophes photosynthétiques. Ils sont capables d’absorber l’humidité de l’air et trouvent les sels minéraux partiellement dans l’humus qui peut se former à la base des branches, et pour une autre partie, dans les particules et gaz absorbés ou solubilisés dans l’eau de la pluie et des rosées.